Enfant, j’ai découvert dans un livre jeunesse une espèce magnifique et énigmatique de nos montagnes : le Gypaète barbu. Je l’ai aperçu pour la première fois en 1996, lorsque je suis parti en classe verte avec mon école dans les Pyrénées. Un agent du Parc National a réussi à me le faire observer à travers sa longue-vue. Je me souviens encore de ses paroles vingt-deux ans plus tard : « Il est là, ton gypaète, regarde, gamin, il vient te saluer ! » J’avais des étoiles plein les yeux. En rentrant chez moi, j’ai demandé à mes parents de déménager pour aller vivre au plus près de cet oiseau. Mon père me qualifia de doux rêveur. Cependant, en 2000, il céda à ma demande en faisant déménager toute la famille dans les Pyrénées-Atlantiques. À partir de ce moment précis, ce vautour deviendra mon obsession naturaliste !
Bien plus tard, j’ai malheureusement pris conscience que cette espèce était très fragile, sensible au moindre dérangement et encore trop souvent victime de l’homme et de ses activités (empoisonnement, collision avec des câbles électriques ou de remontées mécaniques, tirs illégaux, etc.).
J’ai donc entrepris en 2018 de sensibiliser le grand public à sa protection, à travers la conception d’une exposition photographique itinérante.
Naturaliste avant d’être photographe, toutes les photos ont été réalisées dans le respect et le bien-être des espèces.
J’ai donc l’honneur de vous présenter l’exposition :
« Au banquet des Gypaètes » / Sortie Novembre 2019
En montagne, lorsqu’un animal meurt (brebis, mouton, chamois, etc.), les premiers à arriver sur une carcasse, ce sont les Grands corbeaux, les Corneilles noires… Les cabrioles et les cris de ces oiseaux autour de l’animal mort ne passent pas inaperçus aux yeux des grands vautours qui planent dans le ciel. Non seulement ces volatiles les renseignent sur la présence de nourriture, mais ils les rassurent sur la présence d’un éventuel danger.
À partir de ce moment précis, les premiers Vautours fauves se posent. En moins de deux minutes, de tous les coins des airs arrivent d’autres vautours, qui se joignent au banquet et déclenchent le début du repas. Le festin commence alors par une mêlée très agitée autour de la carcasse. Des bagarres éclatent, des cris rauques se font entendre… Les Vautours fauves les plus affamés s’empressent d’avaler des morceaux. Sous leurs becs, la carcasse se vide très rapidement (on estime qu’il faut environ 15 minutes pour qu’une soixantaine de vautours transforme une brebis de 65 kg en un amas de peau et d’os !).
Les Grands corbeaux, les Corneilles noires… mais aussi les Milans royaux profitent de la confusion et du brouhaha pour chaparder des miettes ou quelques lambeaux.
On aperçoit aussi avec eux un petit vautour blanc, le Vautour percnoptère. Comme les Grands corbeaux, les Corneilles noires et les milans, il profite de la confusion pour manger les restes laissés par les Vautours fauves.
Très vite, un gros vautour noir se pose, et surtout, s’impose ! Il s’agit du Vautour moine. Spécialiste des tendons et des morceaux coriaces, il finit de désarticuler la carcasse.
Lorsqu’il ne reste plus que des os éparpillés, arrive enfin le dernier des invités, le plus discret et le plus mystérieux de tous : le Gypaète barbu. Avec ses ailes étroites et pointues, sa longue queue en forme de losange, son iris jaune paille entouré d’un cercle orbital rouge, ses moustaches sous le bec et son poitrail orange vif, le gypaète est le plus rare et le plus curieux de la famille. S’il vient en dernier, quand le banquet est terminé, c’est qu’il avait remarqué depuis longtemps déjà l’agitation des autres convives. Mais pas besoin de se battre avec eux ! Il est le seul à pouvoir manger les os. Les plus petits morceaux seront avalés directement, ainsi que les pattes avec les sabots, tandis que les plus gros seront emportés pour être jetés sur des rochers afin qu’ils se brisent. Le gypaète pourra ainsi plus facilement les avaler.
Dans cette histoire de la vie sauvage, il ne reste plus à la fin que la laine ou la fourrure… de l’animal mort. Chaque espèce invitée au banquet finira par récupérer cette matière plusieurs mois plus tard pour garnir son nid.
« Dans la nature, rien ne se perd, tout se transforme ! »